Styra
Un feu de bois et de broussaille méditerranéenne s’était accidentellement propagé au pied du village de Styra. Malgré sa maîtrise rapide par les sapeurs-pompiers, ne restaient qu’un paysage noirci, un sol croûté, une flore et une faune carbonisées, une odeur âcre. Le feu n’avait pas seulement abimé le site, il s’en était emparé, lui imposant un silence brulant. L’incendie précéda de quelques jours l’embrasement sans précédent qu’Eubée et au-delà que la Grèce allaient connaître durant l’été. Le monument commémoratif qui surplombait la nouvelle ville, érigé en hommage à des volontaires décédés, rappelait que le lieu n’était pas épargné par ces catastrophes. Chaque année, les feux semblaient gagner en nombre et en intensité. Trois ans auparavant, soixante-dix-neuf résidents, de nombreux grands-parents et leurs petits-enfants, avaient trouvé la mort à Mati, juste en face sur le continent. Nous avions suivi, impuissants, la lente et irrépressible descente du front de flammes jusqu’au rivage sans mesurer le drame qui se jouait. Sous le ciel encombré de fumée, nageant au milieu de cendres en suspension dans l’eau, nous assistions hagards à la perte d’un monde et d’une hospitalité auxquels nous étions attachés.