Abandon
Réveil avec l’envie de pratiquer la photographie. Je regrette de manquer de disponibilité pour m’y consacrer davantage. On devine à la commissure des doubles rideaux la lumière laiteuse qui baignera bientôt l’arrière-cour montmartroise. Une lumière de fin du monde, me dis-je, surpris par cette pensée intempestive. La veille, ma caviste canadienne revenue de vacances m’avait montré l’image d’une montagne ravagée par un incendie dans la province d’Alberta : une ligne de feux vive descend vers une étendue d’eau en laissant dans son sillage une terre et un ciel carbonisés. Depuis l’autre rive, au premier plan, des ombres fixent le brasier en attendant d’être évacuées. Comme la fin du monde, commente abattue la caviste. Se doucher, s’habiller, descendre dans la rue, marcher sans but jusqu’à ce que boulevard de Rochechouart, entre Anvers et Barbès, la flânerie soit interrompue par une odeur d’urine épaisse. Peu de passants encore. Sur la chaussée, une fripe et un cadis abandonnés.